Home > Actualités > MDFDE/USA : AF Chicago: Mme Isabelle David reçoit l’auteur Sophie Loubière #SurUnLivrePerchée
9 mars 2017 : Mme Isabelle David, Directrice de l’École Franco-Américaine de Chicago (EFAC) et Directrice Exécutive pédagogique MDFDE/Midwest-Chicago à l’Alliance française de Chicago, Illinois en compagnie de Mme Sophie Loubière, romancière.

Deux heures avec Sophie Loubière…

by isabellevdavid

Sophie Loubiere

Sophie Loubière, permettez moi de vous présenter succinctement.

Vous êtes Française, née en Lorraine à Nancy, vous avez fait des études de littérature (lettres modernes) et vous êtes à la fois journaliste, productrice, écrivain, spécialiste de musique de film et scénariste. Vous avez travaillé longtemps pour France Inter et France info. Vous êtes l’auteure d’une douzaine de romans.

Après quelques nouvelles et fictions, vous décidez en 2010 de vous consacrer à votre œuvre littéraire. C’est alors que vous publiez « L’enfant aux cailloux » en 2011, qui est traduit en anglais et obtient une reconnaissance internationale (le livre est sorti dans une vingtaine de pays). Trois autres romans suivront : « Black coffee » en 2013, « A la mesure de nos silences » en 2015 et finalement « White Coffee » en 2016.

Nous parlerons ce soir de votre œuvre en général mais mettrons surtout l’accent sur trois de vos romans : « L’enfant aux cailloux » de par sa renommée et aussi parce qu’il est traduit en anglais, mais aussi « Black coffee » et « White coffee » car l’intrigue pour les deux se passe essentiellement aux Etats-Unis. 

  • Sophie, est-ce une première fois à l’Alliance Française de Chicago ?

Oui, c’est la première fois.

  • Vous avez commencé à écrire des nouvelles et romans de littérature générale, puis vous vous êtes orientée vers la littérature policière (pour reprendre la thématique de couleurs que vous aimez bien : littérature blanche et littérature noire). Pourquoi ce choix ?

Je pense que même mes romans en littérature blanche étaient imprégnés de quelque chose d’un peu sombre. Le noir permet d’aborder des sujets très sociaux, proches de nous et je voulais me débarrasser peut-être de certaines contraintes. En littérature blanche on fait très attention au style, à l’originalité de l’œuvre, moins peut-être au contenu. Il était important que ce que je dis soit plus important que la façon dont je le raconte. Le noir permet d’aller très vite au fond des choses, et comme j’aime la littérature générale et que je suis nourrie depuis l’enfance des grands classiques, mon écriture de thriller n’a absolument rien à voir avec celle d’un auteur de roman noir traditionnel. En fait, je suis une grande tricheuse. J’écris du noir en venant du blanc.

  • Comment interprétez-vous l’intérêt des lecteurs pour le roman noir ? Vous venez de nous donner votre point de vue en temps qu’écrivain ? Mais qu’en est-il du lecteur?

Le lecteur est comme un auditeur, il attend qu’on l’emporte avec une histoire. Il souhaite se retrouver dans les propos, dans les personnages. Mes deux premiers romans de littérature blanche étaient des romans un peu érotiques parce qu’ils traitaient d’un sujet qui m’intéressait beaucoup à l’époque. J’avais une trentaine d’années, j’arrivais à Paris, c’était un moment d’une vie de femme et l’épanouissement sexuel. La littérature blanche me correspondait très bien à cette époque pour exprimer ce que j’avais envie de partager. Un écrivain ne fait rien d’autre que partager avec le lecteur.

Mais en réalité mon premier roman publié est un roman noir, c’est un poulpe – dans la collection du même nom imaginée par Jean-Bernard Pouy. Elle permettait à n’importe qui d’écrire un polar, il suffisait simplement d’utiliser la « bible » proposée autour d’un personnage, un détective privé appelé Gabriel Lecouvreur qui menait l’enquête sur des faits de société. Jean-Bernard Pouy m’a engagée à écrire. Avant j’avais écrit des manuscrits avec beaucoup d’espoir, Grasset par chance avait repéré mes ouvrages et Martine Boutang m’avait beaucoup soutenue, mais je n’avais pas su les retravailler et m’accrocher pour soumettre ensuite un manuscrit retravaillé. Je ne m’étais pas autorisée à aller au bout de mon projet. Mais puisqu’écrire un pouple, était quelque chose entre guillemets que tout le monde pouvait faire, cela n’avait a priori rien d’exceptionnel. Donc moi aussi, à ce moment là je pouvais le faire. Car en fait depuis toute petite, j’ai très peur de faire quelque chose dont je ne suis pas capable. J’ai écrit le livre en quelques semaines, envoyé le manuscrit et il a été publié en 1999. C’était une histoire policière très classique mais déjà avec les thématiques fortes qui sont les miennes : l’enfance maltraitée, les secrets de famille, la filiation, une histoire d’amour, la rencontre de deux personnages et quelque chose de sensuel. 

  • Sophie, afin de rendre le ton de « L’enfant aux cailloux » et nous donner une idée de l’intrigue j’aimerais que vous nous lisiez maintenant deux pages du roman.

Lecture d’un passage de « L’enfant aux cailloux »

  • En résumé et comme illustré dans ces pages, Elsa Préau est une ancienne directrice d’école à la retraite qui observe de chez elle le jardin de ses voisins. Le livre soulève le problème de la maltraitance car Elsa soupçonne que l’un des enfants d’être maltraité. En lisant, le lecteur ne sait pas bien s’il se trouve dans le réel ou dans l’imagination de cette vieille femme. L’histoire commence juste après la guerre pour arriver plus ou moins jusqu’à nos jours. Elle va assez lentement au début, ensuite s’accélère, et soudain cela va très vite. Vous semblez avoir semé des petits cailloux, des morceaux de puzzle qui à la fin se rejoignent pour former un tout. Dites m’en plus sur vos sources d’inspiration ? Sur votre processus créatif ?

Vous avez souligné quelque chose de très important concernant la structure du récit car c’est commun à tous mes livres. Ce n’est pas volontaire ni conscient de ma part mais tous mes romans fonctionnent de la même façon. Au début, les choses sont assez lentes, ensuite il y a une accélération, puis la fin est dans une précipitation incroyable.

Cela reprend en fait les trois phases de notre vie : l’enfance où nous n’avons qu’une hâte, celle d’en sortir, puis nous sommes adultes et cela n’avance pas aussi vite qu’on le souhaiterait, enfin on s’aperçoit qu’on est déjà de l’autre coté et le temps qui reste est extrêmement réduit. Les livres dans leur structure sont donc à l’image de la vie et mes histoires vont bien au delà du fait divers qui au début m’a inspiré. Dans « L’enfant aux cailloux », il s’agissait de deux faits divers. Soit je travaille sur des éléments qui m’interpellent, soit sur du vécu que je vais ensuite discrètement glisser dans mes personnages, et sur mes propres peurs aussi. « L’œil noir du corbeau » est à ce titre exemplaire. Anne Darney, le personnage central, est une jeune femme, une Française qui est chef et anime des émissions de cuisine à la télévision. Elle retourne à San Francisco pour essayer de retrouver un amour de jeunesse, un jeune Américain qu’elle avait connu dans les Vosges alors qu’il était en vacances. Cette histoire est calquée sur ma propre histoire d’amour. J’avais rencontré un très beau garçon, Bruno, qui venait de Valencienne. J’étais très amoureuse, nous nous sommes jurés un amour inconditionnel et cette relation a duré une semaine. Ce fut un amour très chaste, j’avais seize ans, j’étais dans une attente romanesque et sentimentale très grande. Mais cette histoire avait conduit une grande partie de ma vie de femme et j’ai eu un moment besoin de m’affranchir d’elle en le retrouvant. Et c’est la façon dont j’ai pu retrouver cet amour de jeunesse qui a amené l’idée de ce roman. Il y a souvent une grande part de moi-même dans mes livres.

Par exemple, Desmond dans « Black coffee » est un homme d’une cinquantaine d’année. Il est criminologue à Chicago et va vivre à Sedona, en Arizona, lorsque son père décède. Desmond a priori n’a rien à voir avec moi, et pourtant on a un très grand point commun, son rapport au père et notamment à la mort de celui-ci quand tous les regrets de ce qu’il n’a pas vécu avec lui remontent à la surface. Dans le livre, il y a une scène très similaire, l’enterrement. Ce n’était pas à Sedona dans mon cas mais à Montpellier, cependant les rapports sont les mêmes.

Enfin le personnage qui me ressemble le plus, il a 82 ans, c’est François Valent dans « A la mesure de nos silences ». Je ne m’en suis pas rendue compte quand j’ai écrit ce livre. C’est une amie journaliste qui a lu tous mes romans qui m’a appelée en me disant : « Sophie, c’est pas la peine de te cacher derrière un vieux bonhomme de 80 ans, je t’ai reconnue ».

Parfois, on passe des choses très personnelles dans les romans, ce qui donne une réalité aux personnages.

  • Vous venez de répondre à une question que j’allais vous poser sur les personnages et sur celui ou celle qui vous ressemble le plus, François Valent donc. Vous dites aussi que de nombreux points sont autobiographiques, j’ai noté plusieurs thèmes qui reviennent fréquemment dans vos romans. Pour reprendre l’image du blog, sachant que celui-ci constitue aussi pour vous un outil de travail, ils forment un peu comme un nuage de catégories ou de « tags ». Il y a:
  • l’Histoire (la grande/l’universelle) face à l’histoire intime (celle de la famille et de ses secrets)
  • L’influence du passé sur le présent (avec son impact sur l’avenir)
  • La relation filiale (vous mentionniez celle du père et du fils mais j’ai aussi relevé celle de la mère et de ses enfants) ainsi que la transmission
  • La folie, la maladie mentale et le traumatisme (donc une forte dimension psychologique)
  • La résilience (qui rappelons-le est l’aptitude à dépasser ses souffrances par un travail sur soi, la capacité à surpasser l’adversité, à se remettre de tout)
  • Le mystère et le fantastique (il y a beaucoup de fantômes dans vos romans, surtout dans « White Coffee ») ou le réel et le surnaturel ou encore le visible et l’invisible
  • La question de la justice, de la morale (culpabilité) et de dieu aussi….
  • Pourquoi ces thèmes spécifiques ? Est-ce que votre passé, Sophie, nourrit votre avenir ? Plus précisément, comment comprenez-vous le phénomène de résilience ? Que cherchez vous à faire ressortir (note : le terme a été inventé par le psychiatre, psychanalyste et neurologue, Boris Cyrulnik, qui a beaucoup écrit sur son expérience personnelle de la résilience).

La résilience est quelque chose dont j’ai pris conscience il y a peu, seulement une dizaine d’années. Et c’est ce qui conduit ma vie. Comme je vous le disais auparavant, j’ai grandi avec un manque de confiance en moi exemplaire. Ma mère me répétait souvent: « Sophie, avec les moyens que tu as, tu ne pourras jamais faire mieux ». Pour les Américains, cela paraît certainement étrange. Je percevais donc tout comme à travers une vitre et j’étais comme le vilain petit canard. J’étais gauchère, j’avais un problème avec un œil donc on me mettait un cache pour le rééduquer, j’étais dyslexique et j’avais un grand frère qui me martyrisait volontiers, car j’empiétais sur son territoire et lui volait l’amour de ses parents. J’ai été un petit souffre douleur pendant très longtemps et étais persuadée que je n’étais pas jolie, que tout serait très dur dans la vie même si je faisais des efforts. Si j’avais imaginé qu’un jour je serais romancière et ici avec vous aujourd’hui, j’aurais hurlé de rire. Je pense que ce qui m’a sauvé alors, ce sont mes rêves. Je rêvais de devenir actrice à Hollywood, j’adorais les actrices hollywoodiennes, et j’avais une fascination pour les Etats-Unis, la langue anglaise. Je m’imprégnais donc de tout cela, très fortement, et me suis très tôt intéressée au cinéma. A l’université je me suis ensuite inscrite en Lettres Modernes avec l’option audiovisuelle pour pouvoir faire l’analyse de films. Le visuel est très important dans mon écriture.

Je n’ai pas eu une enfance maltraitée bien sûr mais ce n’était pas simple. Il y a une plusieurs drames dans ma famille: la maladie de mon frère, le divorce des parents, la maladie mentale de ma mère…. Ce ne sont pas des choses simples quand on a seize ans et qu’on essaie de se structurer. Donc, je me suis toujours construite en me battant. J’ai avancé de ma petite Lorraine à Nancy puis à Paris en me battant. A Paris, on m’a vite fait comprendre que je venais de la Province. J’ai heureusement gagné le concours de France Inter et j’ai fait des rencontres, j’ai eu des parrains, qui m’ont soutenue, encouragée et qui m’ont permis de croire en moi. Je me suis donc construite en réponse aux empêchements et l’empêchement principal c’est mon frère (La résilience la plus forte). Mon frère a déclenché une maladie auto-immune, la sclérose en plaque. En dix-sept ans il dépérit pour devenir finalement un légume. Ce frère, qui m’avait martyrisée et que j’avais détesté pour toutes les misères qu’il m’avait faites dans mon enfance, se retrouvait au fauteuil, il ne pouvait plus bouger, plus parler alors que moi je vivais, j’allais à l’école, j’avais des amis. Je me suis alors sentie extrêmement coupable. Ma vie, je devais la réussir deux fois mieux, tout devait être deux fois mieux – pour lui. Il s’agit donc bien d’une construction en résilience. La douleur de ce frère, j’en ai fait mon drapeau.

Mes émissions de radio étaient plus travaillées que les autres, tout devait être deux fois mieux, car on est deux. Je ne suis pas seule. Je porte mon frère en moi.

  • Merci pour tous ces détails. Cela me rappelle les fantômes qui sont dans vos livres, cette sorte de double permanent. Je comprends mieux maintenant pourquoi on sent toujours en vous lisant le dédoublement, le visible et l’invisible, le réel et l’imaginaire.
  • Dites nous en plus maintenant sur vos titres de romans, à quel moment voient-ils le jour, sont-ils là d’emblée ou s’imposent-ils au fil de l’écriture ?

« Black coffee », c’est une idée de mon éditeur. J’avais proposé ce titre mais je voulais le changer pour «La route assassinée ». Mon éditrice a pensé que « Black coffee » était beaucoup plus vendeur pour un polar. Et en fait, elle n’avait pas tort car nous avons maintenant une trilogie, ce que je ne savais pas au début. Mais j’ai vite compris que je ne pouvais pas quitter mes personnages, et le retour de mes lecteurs est identique. Donc après « Black coffee », on a eu « White coffee » et bientôt il y aura un « Bloody coffee » – noir, blanc et rouge. « Bloody » est à entendre dans le sens de la filiation, des liens du sang. Car dans mes livres, bien qu’ils soient des polars, vous aurez beaucoup de mal à voir du sang. Comme je le disais avant, je suis une grande tricheuse. Le thriller est un moyen d’écrire des histoires sombres mais je vous amène toujours à la lumière.

Pour « A la mesure de nos silences », ce fut une évidence, une phrase du livre. C’est très symbolique et très fort. On parle de mesurer les silences et le personnage principal est un producteur et journaliste de radio (comme moi donc) qui s’est brutalement arrêté suite à un licenciement politique (mon expérience aussi). Tout à coup j’étais plongée dans le silence. Et il est intéressant de constater que le seul livre que je consacre à mon métier porte la marque du silence.

Pour « l’œil noir du Corbeau », je me trouvais sur la route avec mon mari, c’était en voyage de repérage près de San Francisco et tout à coup je lui ai dit : « Arrête-toi, arrête toi ! Ma scène de crime, je crois que c’est là ». On s’est arrêtés au bord de la falaise, il y avait un terreplein et deux corbeaux qui se trouvaient dans la position de mon mari et moi. J’ai été frappé par cette image, et j’ai regardé ensuite la symbolique du corbeau ; son œil enferme les âmes. J’ai donc décidé d’utiliser ce motif pour le titre.

Pour « L’enfant aux cailloux » c’est parce que l’enfant joue avec des cailloux évidemment, mais j’ai compris plus tard que dans ce titre il y avait bien autre chose, il y a aussi ces petits cailloux qu’on met sur les tombes en hommage aux disparus. Cela fait référence à mes origines juives qui ont été enfouies voire annihilées par ma famille mais qui ressortent dans tous mes livres. Cela fait partie des fantômes qui m’habitent.

  • Je vais rebondir sur « A la mesure de nos silences » pour parler musique car le silence fait aussi partie de la musique. Sophie, vous êtes spécialiste de musique de films et aimez la musique, jouez-vous d’un instrument?

Je fais du piano et j’ai longtemps chanté, composé, improvisé. A la radio, France Culture, France Inter et France Info, j’ai eu grand plaisir à mettre en avant le travail des musiciens car on leur doit souvent 80% de la qualité du film, surtout quand il s’agit de gros films commerciaux. Ce sont de vrais artistes qui ont un rapport essentiel à l’image. On pense à Hitchcock, à Herrmann ou Night Shyamalan avec James Newton Howard qui est celui qui m’inspire le plus. Ou encore à Thomas Newman. Je cite beaucoup d’Américains, mais j’aime également Alexandre Desplat, Gabriel Jared qui tous les deux ont eu un oscar. Ce sont des amis et je leur rends hommage.

  • Vous avez fait un portrait de Gabriel Jared ?

Oui, d’Alexandre Desplat aussi, des portraits pour France Culture.

  • J’ai pris beaucoup de plaisir en vous lisant car chaque fois on y entendait de la musique, il y avait même une référence musicale directe, alors j’écoutais le morceau en continuant ma lecture. J’ai fait ainsi une très belle découverte : Stacey Kent. Magnifique – notamment dans cette chanson : « It might as well be spring ».
    Je me suis baignée dans toutes ces musiques au travers de l’écriture, c’était merveilleux.
    Rappelons qu’Elsa est pianiste et qu’elle joue pour l’enfant aux cailloux ; dans « Black coffee » vous commencez sur la scène tragique et le massacre de la famille de Desmond, Nora est dans sa cuisine et chante Peggy Lee, plus précisément la chanson qui se retrouve dans votre titre « Black Coffee ». Dans « White coffee » enfin, chaque partie est vue à travers une partition musicale.
    Alors, si moi lectrice j’ai lu en écoutant la musique mise en correspondance, est-ce que vous, Sophie, vous avez écrit sur ces musiques?

J’ai écrit les premières lignes avec en effet. Ensuite j’ai écrit avec des musiques de film car il n’y a pas de paroles. Je cherche des textures musicales qui me donnent le décor. C’est une aide dans l’acte de création. Mais, quand je relis, je ne mets pas de musique car elle a tendance à enjoliver ce que vous avez fait.

  • Vos livres sont denses mais se lisent facilement. La musique aide probablement. Ils commencent doucement mais vont en crescendo, on est dans le suspens. Il y a beaucoup d’oralité aussi, des lettres insérées, des morceaux de journal qui permettent de faire avancer l’action. Les chapitres sont courts, deux pages au maximum. Cependant une grande concentration reste nécessaire à la lecture car on change de tableau et aussi de temps. « Black Coffee » commence en 1966 et va jusqu’en 2011, les tableaux ne sont jamais les mêmes. Le lecteur lit vite mais doit donc rester concentré.
    J’apprécie par ailleurs vos belles phrases et la qualité d’écriture de vos romans. On l’a entendu lors de votre lecture, et j’aurais pu citer ici de nombreux exemples, mais disons que j’ai passé mon week-end dans la chaleur et la poussière de ces huit états de la route 66. J’y étais, totalement, entièrement.
    Est-ce que vous passez beaucoup de temps sur chaque phrase ? Ou bien vous relisez-vous et recoupez-vous ensuite?

Je travaille énormément mon texte. Je vais vous lire le début de « White coffee » car je crois avoir refait ce passage une centaine de fois.
Un gros travail a lieu avant de rendre le texte à l’éditeur mais il y a ensuite encore le travail de l’éditeur. On en parlait justement hier à Ragdale avec les autres auteurs en résidence, car c’est parfois un moment douloureux. Dans ce passage, vous allez entendre une phrase avec l’expression « un rideau colère », j’ai dû me battre pour garder ceci dans le texte, et s’il avait fallu que j’y laisse un bras, je l’aurais fait.

Lecture du début de « White coffee »

Il faut que cela chante, que cela rime. C’est le premier chapitre, je dois vous emmener quelque part et que vous vous sentiez dans le trouble de ce personnage.
Je lis beaucoup de poésie et je crois que cela se sent de plus en plus dans mon écriture.

  • Oui, cela se sent. Et vous citez d’ailleurs certains poètes, Paul Celan, Baudelaire.
  • « Black Coffee » et « White Coffee » se passent tous les deux aux Etats-Unis. Vous avez fait deux blogs que nous allons découvrir sur l’écran maintenant.
    « Black Coffee », ce sont quatre mille kilomètres de route à travers huit états, le roman se déroule sur environ cinquante ans. Il y a deux histoires en parallèle et elles finissent par se rejoindre : celle de Desmond et de la tragédie familiale en Oklahoma en 1966 que j’évoquais au début de notre entretien, et aussi celle de la famille Lombard, Pierre et Lola qui se lancent avec leur fils et leur fille sur la route mythique 66. Les destins vont se croiser. Il existe deux blogs, un pour « Black Coffee » et l’autre pour « White Coffee » qui illustrent la démarche d’écriture et les recherches sur le sujet.

Je voudrais vous montrer les photos de la route 66. Je raconte tout le voyage de repérage – un voyage qu’on a fait en 2011 avec mon mari et mes enfants.

On est arrivé à Chicago, puis mon mari a voulu faire un « petit » détour de mile miles pour voir des amis à Chautauqua institution dans l’état de New York. Nous sommes ensuite revenus à Chicago, puis on a commencé notre périple sur la route 66.

Au fur et a mesure du voyage, mon fils se transforme en petit cow-boy. Il avait trois ans lors de ce voyage. Je me suis inspirée de lui pour le personnage de Gaston dans le roman.

Mille cinq cent photos…la plupart ont été prises par ma fille.

Je souhaitais retourner à Sedona, un endroit que j’avais connu quelques années auparavant grâce à un amoureux américain, Jared, auquel je rends hommage ici. Nous sommes arrivés ensuite à Jérôme, la ville fantôme.

Je raconte toutes nos anecdotes sur ce blog. Quand on a pris la route, on ne savait pas du tout où on allait. Je vous invite donc à aller vous promener sur le blog (http://blackcoffee66.blogspot.fr) .

Plus tard, on en a fait un autre pour White Coffee et sur Chatauqua Institution, un endroit tout à fait différent et fabuleux. (http://whitecoffee66.blogspot.fr)

  • Chatauqua Institution, c’est là où se passe la plus grande partie de l’intrigue dans « White coffee ». Entre la Lorraine et les Etats-Unis.
  • Vous avez commencé un livre et vous êtes maintenant dans une trilogie. On suit vos divers personnages, alors est-ce qu’il y a des codes dans leurs noms?
    Je crois en avoir repéré certains, par exemple « Samuel Haas » comme le lièvre et on comprend pourquoi dans l’histoire.
    Est-ce que Lola est pour Dolores, celle qui souffre, ou bien pour la femme fatale ?

C’est la femme fatale de « L’Ange bleu ». Lola Lombard, l’inspiration vient aussi de l’actrice Carole Lombard. J’en parle dans le blog.

Je fais un parallèle entre les paysages lorrains et l’Arizona. Je travaille énormément sur ma documentation.

Et ici, vous trouverez ce qui se cache derrière les personnages. Desmond, C’est l’acteur Viggo Mortensen. Quelqu’un qui est flou, surtout pour lui-même, et qui ne veut pas reproduire son enfance. Lombard, cela vient encore de Lombardie, d’origine italienne donc, comme moi et cela désignait autrefois un commerçant, un banquier ou un usurier. Sans le savoir j’ai donné ce nom à un personnage qui a un gros problème avec l’argent. Car le gros souci de Lola c’est de savoir comment payer ses factures puisque son mari a disparu du jour au lendemain en la laissant avec des dettes.

J’aime bien dire plus sur mes personnages, à travers leurs noms.

  • Vous montrez beaucoup de photos ici et tous vos livres sont très visuels. Je sais que « L’Enfant aux cailloux » va être filmé, pouvez-vous nous en dire plus sur ce film ?

Il est difficile de dire plus à ce stade car l’actrice n’a pas encore signé. Elle réfléchie. Il s’agit de Catherine Deneuve. On attend et on espère.

  • J’espère aussi pour vous…Quand aurez-vous la réponse ?

Je ne sais pas, dans les semaines qui viennent.

  • Combien de temps faut-il ensuite pour le film ?

Deux ans sans doute. Et cela ne s’appellera pas « L’enfant aux cailloux », mais « Elsa ». Les producteurs de cinéma ont besoin de s’approprier votre œuvre, en la renommant notamment. Mais, je leur fais une confiance absolue.

J’aimerais beaucoup qu’il y ait une adaptation cinématographique de « Black Coffee », avec Viggo Mortensen…

  • Oh, moi aussi. Et j’espère tout d’abord que l’adaptation de « L’enfant aux cailloux » marchera.
  • La traduction en anglais, elle est là : « The Stone Boy ». Vous avez participé à la traduction du livre ?

Oui, un peu et pour des détails précis. La traductrice est Irlandaise et je pense qu’elle a parfaitement bien restitué le style « vieille France » d’Elsa qui parle et écrit comme une institutrice d’une autre époque.

  • Pour Black Coffee, y-a-t-il des projets de traduction ?

L’éditeur de « The Stone Boy » fait plutôt dans le thriller et « Black Coffee » ne l‘intéresse pas car le roman se passe aux Etats-Unis. Selon lui, les Américains ne s’intéressent pas aux romans de Français qui se passent chez eux. Je n’ai pas bien compris mais je suis en recherche d’un éditeur pour cette trilogie qui je pense ferait ensuite une bonne adaptation cinématographique.

A ce propos, je viens de terminer une série policière pour la télévision française, qui s’apparente à « Black coffee ». L’histoire se passe sur la nationale 7, notre route 66 à nous, une route très utilisée dans les années 60 et 70. C’est la route des vacances et des embouteillages. Une romancière spécialiste dans le thriller refait cette route sur les traces d’un tueur en série. Toutes les affaires ou disparitions n’ont jamais été liées mais elles sont toutes situées sur la nationale 7…

  • Cela me rappelle effectivement « Black Coffee ».Merci beaucoup pour ces romans que j’ai lus avec un grand plaisir. Et maintenant une chose est claire, je veux absolument aller sur la route 66. C’est magnifique quand la littérature vous donne ainsi une envie ou une énergie que vous n’aviez pas avant. Pour ceci et cet échange, un grand merci Sophie !

Merci à vous et à l’Alliance Française de Chicago.

Liens: https://surunlivreperchee.wordpress.com/2017/03/09/deux-heures-avec-sophie-loubiere/

https://www.francaisdeletranger.org/blog/mdfdeusa-congrats-isabelle-david-pour-votre-leadership-culturo-pedagogique-a-chicago-ii-surunlivreperchee/

https://www.francaisdeletranger.org/blog/mdfdeusa-congrats-isabelle-david-pour-votre-leadership-culturo-pedagogique-a-chicago/

https://www.francaisdeletranger.org/blog/mdfdeusa-mme-isabelle-david-nommee-directrice-executive-pedagogique-mdfdemidwest-chicago/

Votre adresse de courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués *

*